Les spéculateurs ont bon dos

Publié le par Robert Willard


NY01 175-new-york-downtownOui, cher lecteur, les spéculateurs ont bon dos.

Car qui aime les spéculateurs ? Personne. C'est pourquoi les politiques aiment à les livrer en pâture à la fureur populaire lors des grandes crises économiques :  le lynchage est garanti, et c'est toujours du temps de gagné avant que les vraies responsabilités soient mises à jour.
Le succès de la manoeuvre est d'autant plus assuré que les spéculateurs ont bien une part de responsabilité dans les grandes crises économiques.
Mais UNE PART seulement.








Photo © R. Soberka -
 www.photoway.com


Les vrais coupables sont bien évidemment les politiques. Une économie de pays développé ne peut être aussi sérieusement endommagée que par suite d'une volonté politique délibérée (complètement inconsciente, certes, mais bien délibérée). Ainsi de l'essor de l'endettement individuel et du crédit à la consommation durant ces cinquantes dernières années, complètement hors de proportion avec la croissance des revenus (et qui a


culminé avec la bulle immobilière US) : cet essor, donc, relève bien d'une POLITIQUE délibérée d'encouragement aveugle, sous forme de fuite en avant, de la CONSOMMATION, dont la CROISSANCE est perçue comme le seul et unique modèle viable. Ou en tout cas, comme seule garante de la stabilité sociale, avec comme corrolaire la reconduction des élus dans leurs fonctions par le peuple satisfait.

Nous touchons là, il est vrai, au VICE fondamental de la démocratie : les politiques, pour survivre, n'ont d'autre choix que de combler les voeux de leur population - même s'ils conduisent, de toute évidence pour les initiés, à l'abîme. Mais cela ne les dédouane en rien, libres qu'ils sont toujours de faire un autre métier.

Un homme politique responsable et courageux (et un brin suicidaire) expliquerait aux électeurs qu'ils sont dans la panade non pas par la faute de spéculateurs tous puissants et diaboliques, mais bien par leur propre désir de vivre au dessus de leurs moyens, par accumulation de dette - qu'il faut bien payer un jour !
Mais cet homme politique, par définition, ne peut exister en dehors de la marge.

Ceux qui prospèrent sont ceux qui disent aux électeurs ce qu'ils veulent entendre, c'est à dire que la crise n'est pas de leur faute à eux, les gentils travailleurs, mais aux SPECULATEURS, ces vils profiteurs, parasites, vermine de la finance.
Un discours que maîtrisent parfaitement Brown, Sarkozy, Merkel et Papandréou, qui ne ménagent pas leur peine ces derniers jours dans leur numéro de justiciers au service de la "moralisation de la finance". A les entendre, la cause des problèmes grecques est la spéculation sur les CDS (Credit Defaut Swaps), des produits de couverture contre le risque de crédit dont ils ignoraient certainement tout il y a un mois, et auxquels personne ne comprend rien. Qui va les contredire ?

Un observateur attentif se souviendra toutefois d'une récente histoire qui remettra les CDS à leur place probable(marginale). Nous voulons parler de cette pseudo tentative de torpillage de l'euro par un groupe de fonds plus ou moins spéculatifs, dont celui du légendaire George Soros.

L'argumentaire mentionnait une position vendeuse de 8 milliards d'euros contre la monnaie européenne, qui l'aurait fait chuter sensiblement - le sous-entendu étant que cette chute est dommageable à la Grèce, à L'Europe, à tout un tas de chose (quels salauds ces spéculateurs !)... Hélàs, voilà qui est doublement absurde.

D'abord, parce qu'il s'échange CHAQUE JOUR sur le forex environ 3000 MILLIARDS DE DOLLARS, dont 37% concernent l'euro, soient près de $1200 MILLIARDS : il n'est pas possible, dans ces conditions, d'influencer le cours de l'euro avec une position de 8 Mds€.

Most traded currencies[2]
Currency distribution of reported FX market turnover

Currency

ISO 4217 code
(Symbol)

 % daily share
(April 2007)

United States dollar

USD ($)

86.3%

Euro

EUR (€)

37.0%

Japanese yen

JPY (¥)

17.0%

Pound sterling

GBP (£)

15.0%

Swiss franc

CHF (Fr)

6.8%

Australian dollar

AUD ($)

6.7%

Canadian dollar

CAD ($)

4.2%

Swedish krona

SEK (kr)

2.8%

Hong Kong dollar

HKD ($)

2.8%

Norwegian krone

NOK (kr)

2.2%

New Zealand dollar

NZD ($)

1.9%

Mexican peso

MXN ($)

1.3%

Singapore dollar

SGD ($)

1.2%

South Korean won

KRW (₩)

1.1%

Other

14.5%

Total

200%


Ensuite, parce que, si cette baisse de l'euro était vraiment préjudiciable à l'équilibre européen, la BCE serait intervenue pour la contrer : elle n'a rien fait, parce qu'il  n'y a pas de préjudice : la baisse de l'euro, tant qu'elle reste dans ces proportions raisonnables, est une aubaine pour le commerce extérieur de la zone euro, qui regagne ainsi en compétitivité.

On nous dit donc tout et n'importe quoi à propos de la spéculation. On a tenté l'intoxe avec cette histoire de complot contre l'euro - mais la ficelle devait être un peu grosse car on l'a rapidement remplacée par une autre, les CDS, à laquelle on est bien sûr cette fois que personne ne comprend rien : d'ici à ce qu'elle soit aussi bidon que la première...

Mais il se fait tard. Nous y reviendrons...

(Pour les courageux, quelques infos sur le Forex.)

Bob Willard
13/03/2010

























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